Sartre , ses voyages, la philosophie et l’esthétique
Interview de Michel Sicard, lundi 25 janvier 2016
4. Februar 2016 von H. Wittmann
Dans > nos entretiens sur Sartre et son esthétique, nous avons aussi évoqué ses voyages, mais il y a encore un sujet important, ce sont ses façons différentes de faire fonctionner les concepts, venus de l’Orient et de l’Occident et de profiter de leurs échanges. On peut dire que Sartre quitte souvent la sphère des concepts rationalistes occidentaux… situons d’abord le sujet de notre entretien par rapport à l’œuvre de Sartre. Et j’ai demandé à Michel Sicard de nous expliquer ce passage des cultures de Sartre.
Après son agrégation, Sartre voulait aller à Kyoto comme assistent, il a échoué et allait à Berlin, or il a fait ce grand voyage plus tard avec Simone de Beauvoir entre le 18 septembre et le 16 octobre 1966. D’abord Berlin in l’Allemagne…, nous avons déjà rappelé, dans un autre entretien, qu’en 1933 à Berlin, il n’écrit rien sur Hitler et les nazis, par contre, beaucoup ont cru, qu’il a étudié Martin Heidegger à Berlin et qu’on retrouve les fruits de la lecture de Sein und Zeit dans l’Être et le néant. Une question qu’on a souvent posé: Sartre s’est-il laissé influencé par Heidegger ?
Une fois, Sicard m’avait parlé de Heidegger et son livre Acheminement vers la parole, trad. Jean Beaufret,Wolfgang Brokmeier, François Fédier, Gallimard, coll. « Tel », 1988, 260 p. Heidegger propose une réflexion et une analyse de la compréhension traditionnelle de la parole. Il estime que la parole est « l’expression sonore et la communication des émotions et fluctuations intimes de l’homme ». Et qu’est-ce qu’il y a retenir par rapport à l’œuvre de Sartre?
Rappel:
> Colloque à Cerisy-la-Salle: Sartre. Littérature et engagement
20 – 30 juillet 2005 Direction : Michel Rybalka und Michel Sicard
Revenons aux rôles des imprégnations d’une culture à l’autre, il y a notamment cette référence implicite vers le Japon, via les Japonais qu’il a connus. Il y Kuki Shuzoet Isaku Yanaihara. Parlons d’abord de Shuzo Kuki (1888-1941) philosophe japonais et professeur.
Il a fait des études à Tokyo et passe de longs séjours en Allemagne, de 1921 à 1924, où il étudie chez Heinrich Rickert, et de 1924 à 1927, il fait, en France, la connaissance de Bergson, il retourne en Allemagne, À Marburg et Freiburg, pour y suivre les cours de Martin Heidegger. Ensuite, Kuki était parmi les premiers qui ont introduit Heidegger au Japon. En France, il fait la connaissance de Sartre, qui avait 23 ans…, Kuki avait 40 ans et recevait un « enseignement philosophie » de Sartre, un enseignement que Thorten Botz-Bornstein dans son article sur Kuki met entre des guillemets. Je voulais savoir de Michel Sicard, si cette rencontre était importante pour Sartre ?
Plus tard, en 1935, Kuki publie Le problème de la contingence, il y a des prolongements jusqu’à l’esthétique, Kuki évoque aussi Proust et le livre de Jean-Marie Guyau, La genése de l’idée de temps, Paris 1912.
Ce qui nous intéresse ici ce sont les rapports de la philosophie á l’art… Les dernières pages de L’imagination de Sartre en 1940 établissent aussi un lien fondamental entre l’art et la liberté.
Isaku Yanaihara (1918-1989). professeur de philosophie à l’université d’Osaka arrive à Paris 1954 pour faire des études. Il fait la connaissance de > Giacometti et devient so modèle jusqu’en 1961. Yanihara a aussi connu Sartre. Il devient son traducteur japonais. A nouveau, une rencontre entre l’art et la philosophie ? Si l’on pense aux développements dans la philosophie et l’imaginaire sartriens, Yanihara y a joué son rôle ?
Après son agrégation, il a échoué avec son projet s’aller à Kyoto, or il a fait son grand voyage au japon plus tard avec Simone de Beauvoir entre le 18 septembre et le 16 octobre 1966. Le livre de Tomiko Asabuki, Vingt-huit jours au Japon avec Jean-Paul Sartre et Simone est paru en 1966 en France. L’Université Keio et les éedtions Jimbun-shoin organisaient trois conférences au Japon, 13, rapporte Hélène de Beauvoir.
Une série de trois conférences: Plaidoyer pour les intellectuels”… ce n’était pas un hasard qu’il avait chois ce sujet pour les conférences au Japon. Il semble qu’il était conscient de la situation des intellectuels au Japon désireux de réfléchir à nouveau sur leur moyen de coopérer et de leurs tâches sociales, comme Simone Müller l’a formulée dans article sur la réception de Sartre au Japon, et c’est vrai que ses trois conférences dans ce petit livre de poche sont une définition essentielle aussi de Sartre lui-même n’est-ce pas ?
En effet, l’influence de l’Orient exerce une influence considérable sur l’œuvre de Sartre, une influence qu’on a un peu négligée et pourtant ce rapport philosophie-art est essentiel pour le développement de son esthétique.
Bibliographie
Asbuki, Tomiko, > Vingt-huit jours au Japon avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir (18 septembre – 16 octobre 1966). Auteur de préface : Richard Chambon, Hélène de Beauvoir. Traducteur : Claude Peronny, Chiharu Tanaka Paris : L’Asiathèque – maison des langues du monde 1966.
Bonardel, Françoise, Existence et vacuité selon Sartre et le bouddhisme zen, dans Bouddhisme et philosophie, Paris: L’Harmattan, 2008.
Botz-Bornstein Thorsten, Shûzô Kuki et la «philosophie de la contingence» française. Une communication unique entre l’Orient et l’Occident, dans : Revue Philosophique de Louvain, Année 1999 Volume 97 Numéro 1 pp. 113-126, Über Th. Botz-Bornstein.
Caeymaex Florence,> « L’existentialisme comme éthique de Heidegger à Sartre. », Les Temps Modernes 4/2008 (n° 650) , p. 248-269.
Heidegger, Martin: Unterwegs zur Sprache (1950-1959) Hrsg. von Friedrich-Wilhelm v. Herrmann 1985. 262 Seiten. Kt 39,00 € ISBN 978-3-465-01690-8 Martin Heidegger Gesamtausgabe 12.
Midal, Fabrice, La rencontre du bouddhisme et de l’Occident est-elle possible sans une méditation de l’oeuvre de Chögyam Trungpa et de Martin Heidegger ?in : Les cahiers bouddhiques n° 3
Morlins, Bernard, > Sublime voyage dans l’atelier de Giacometti, raconté par son ami et modèle Isaku Yanaihara (Allia)
Sawada, Nao, « Sartre et les artistes japonais des années 60 – au miroir du zen »,Bulletin du Département de littérature française, Université Rikkyo, n° 38, 2009, p. 23-35.
Maître Dôgen (永平道元), 19 janvier 1200 – 22 septembre 1253, et Yoko Orimo, Shôbôgenzô – La vraie Loi, Trésor de l’Œil – tome 3. Les textes du Shôbôgenzô de maître Dôgen traduits ici inclus certains des plus célèbres comme Uji, Busshô ou le Genjokôan, Paris: Sully 2007.
Sicard, Michel (commissaire), Sartre et l’art [Catalogue] Vilal Medici, 19 febgraio / 35 marzo 1987. Immaggio a Jean-Paul Sartre, 1987.
—, > Essais sur Sartre. Entretiens avec Sartre 1975-1979, Paris: Galilée 1989.
Yanaihara, Isaku, (1918-1989); Avec Giacometti; Paris: Allia 2014.
Wittmann, Heiner, L’esthétique de Sartre. Artistes et intellectuels, traduit de l’allemand par N. Weitemeier et J. Yacar, Éditions Paris: L’Harmattan 2001.